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Le couvent des Révérends Pères Carmes semble avoir existé dès le XIVème siècle, du moins si l'on en croit Chevalier de Saint-Amand qui cite un père Robert de Rupert, profès du couvent des Carmes de Saint-Amand en Berry, qui enseignait la théologie à Paris en 1381. La fondation du bâtiment, tel qu'il se présente encore partiellement aujourd'hui, date quant à elle de 1484. Elle estdue à l'initiative et à la générosité d'Isabeau Marie Amenjeu d'Albret, dame d'Orval et de Montrond, et de Pierre Pélerin, bourgeois de la ville, qui offre le terrain. |
Rapidement, des différends surgissent entre le clergé de la paroisse et les Carmes au sujet des offrandes faites à l'occasion des enterrements, à tel point qu'il faut signer un compromis (A.M. Saint-Amand-Montrond, GG 48). En 1494, Pierre Pélerin décède et se fait enterrer dans l'église toute neuve. Son gisant, retrouvé dans le chœur en 1834 est aujourd'hui conservé au musée Saint-Vic. Au début du XVIème siècle, le couvent des Carmes compte treize religieux. Une statue de la « benoîte glorieuse Vierge Marie » y est alors très vénérée sous le titre de Notre-Dame de Recouvrance. En raison des nombreux miracles qui lui sont attribués, les pèlerins viennent de partout pour la prier. Le 23 août 1503, une femme paralytique de Thaumiers est miraculeusement guérie et en août 1539, après intercession, un homme sort indemne après que cinquante charretées de pierre se soient renversées sur lui (A.M. Saint-Amand-Montrond, GG 44). |
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Ordre mendiant, les Carmes sont chargés du service quotidien du château de Montrond dès leur arrivée. Au fil des ans, ils possèderont des prés, des vignes, des maisons (notamment dans le faubourg du Cheval-Blanc) et jouissent de revenus régulier, ce qui leur permet d'entreprendre régulièrement des travaux d'embellissement de leur couvent. Ainsi, ils passent par exemple commande de chaires pour l'église en 1522 (A.M. Saint-Amand-Montrond, GG 43, pièce n° 1), de piliers de pierre de taille pour le cloître en 1588 (A.M. Saint-Amand-Montrond, GG 43, pièce n° 2) ou encore d'un retable pour le maître-autel en 1637 (A.M. Saint-Amand-Montrond, GG 43, pièce n° 6). |
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En 1536, la municipalité installe l'horloge et le clocheton de la ville dans le nef du couvent des Carmes, plus haute que celle de l'église paroissiale. Situé au centre de la partie dominante de la ville, le couvent des Carmes prend donc très vite un rôle quasi public. La grande salle du couvent sert ainsi de lieu de réunion pour les aveux de bourgeoisie, et l'église des Carmes est le lieu de sépulture privilégié des bourgeois et de la petite noblesse (A.M. Saint-Amand-Montrond, GG 48). En 1622, une croix destinée à être placée sur le terrain du futur couvent des Capucins, fondé par Henri II de Condé, est bénie dans l'église des Carmes par le curé de la paroisse de Saint-Amand et portée ensuite en procession jusque chez les Pères Capucins. |
A l'inverse de ce dernier, le couvent des Carmes ne connaîtra pas les dommages causés par le siège de Montrond (1651-1652). La Fronde terminée, des travaux importants sont entrepris en particulier dans le cloître, avec une modification de la circulation, et on voit resurgir les différends concernant les bénéfices des enterrements. En 1668, le Grand Condé fait don à l'église des Carmes d'un grand orgue, dont le buffet sera transféré en 1835 dans l'église paroissiale. Le XVIIIème siècle commence avec un incident pour le moins burlesque, lors de la mort du gouverneur de Montrond, Gabriel de Lestor, âgé de 96 ans. Le curé de Saint-Amand et le prieur des Carmes se disputent violemment le droit d'enterrer le défunt et, le 24 novembre 1702, mettent ainsi la chambre mortuaire en état de siège. |
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Le 10 juin 1781, la sonnerie du tocsin provoque quant à elle une émeute considérable. En effet, les habitants de Saint-Amand avaient pris l'habitude de sonner le tocsin pour des motifs secondaires (notamment pour chasser les brouillards et les orages). Les officiers municipaux s'y opposèrent alors avec raison. Mais il y eut une réaction violente de la foule, et 5 à 600 personnes fracturèrent la porte du local où se trouvait le timbre. La bailli dut même se réfugier à la hâte dans une maison voisine. |
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Ainsi, vers la fin du XVIIIème siècle, les Carmes font l'objet de vives critiques de la part des bourgeois. Ils jouissent en effet d'importants revenus, auxquels s'ajoutent certains privilèges temporels : exonération de la taille, droit de dîme sur l'ail (spécialité de la ville), l'échalotte et l'oignon... |
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En 1790, il reste six religieux. Ils quitteront le couvent le 15 mars 1791 et prêteront tous serment de la Constitution Civile du Clergé. L'église des Carmes est alors désaffectée. Mise aux enchères, elle est acquise par le fondé de pouvoir de la municipalité qui y loge le tirage au sort de la conscription, les marchands forains des foires d'Orval et les bouchers et charcutiers dans le bas-côté nord. On y organise également le banquet commémorant la Révolution de Juillet 1830, présidé par le général Petit, ancien compagnon de Napoléon et héros de la cérémonie des adieux à Fontainebleau. Dépôt de grains lors des années de disette de 1846-1847, elle devient casernement en 1870. En 1891, faute de pouvoir entretenir le bas-côté nord en mauvais état, la municipalité le fait abattre. La transformation de l'ensemble en centre administratif (hôtel de ville, tribunal, greffe et anciennement collège) imposera de nombreuses modifications tout au long du XXème siècle. |
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& Pour en savoir plus...
Ÿ BUHOT DE KERSERS (A.), Le canton de Saint-Amand - Histoire et statistique monumentale du département du Cher, éditions du Bastion, Paris, 1892, pp. 137-141.
Ÿ HUGONIOT (Jean-Yves), Saint-Amand-Montrond, mémoires d'une ville, éditions du Cercle Généalogique du Haut-Berry, Bourges, 1998, pp. 163-175.
Ÿ MALLARD (Victor), Histoire des deux villes de Saint-Amand, Bourges, 1894, pp. 130-135.
Ÿ TOUZEL (Hélène), « La bibliothèque des Carmes, mythe ou réalité », in Une ville et son terroir, Saint-Amand-Montrond, 1985, pp. 47-51.
Ÿ VILLEPELET (Jean), « L'ancien couvent des Carmes de Saint-Amand », in Cahiers d'Archéologie et d'Histoire du Berry, n° 43, Bourges, 1975, pp. 3-20.
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