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Bâtie au XIIème siècle par Renaud de Montfaucon sur un éperon isolé, entre les vallées du Cher et de la Marmande, la forteresse de Montrond tombe en 1361 entre les mains des Anglais. Reconstruite au XVème siècle par Charles d'Albret, elle comporte alors un logis, une enceinte renforcée de douze tours et un puissant donjon (16 m de diamètre, 40 m de hauteur). Lors de la guerre de Cent Ans, Montrond résiste à l'invasion des Anglais,alors même que le château voisin d'Orval est totalement brûlé en 1412. |
La résistance aux Anglais met dès lors en relief la valeur défensive du site. Abandonné au XVIème siècle, le château est en ruine en 1606, lorsque Maximilien de Béthune, duc de Sully, alors surintendant des Finances d'Henri IV, ajoute la seigneurie de Montrond à celles d'Orval, Epineuil, Bruère et Boisbelle qu'il possède déjà en Berry. La valeur globale de l'ensemble ainsi constitué (310.000 livres) représente plus du double de celle de son duché de Sully. |
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Il confie à Nicolas Ducrot, maître architecte, la reconstruction du corps de logis « fort incommode et peu logeable pour sa grandeur », mais conserve tours et tourelles attenantes, ainsi que les profonds fossés taillés dans le rocher, qui en font alors la plus forte place du Berry. En 1617, on trouve en effet dans la forteresse de Montrond un arsenal impressionnant : plus de 200 mousquets, 200 arquebuses, 10 pistolets et pas moins de 1.500 boulets de toutes tailles ! |
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Mais l'imposant "nid d'aigles" est également transformé en une demeure véritablement princière. Le sculpteur Lafrimpe et le peintre Jean Boucher sont ainsi chargés de la décoration des appartements. Les quelques inventaires des meubles, tableaux, vases et vaisselles se trouvant dans le château de Montrond au début du XVIIème siècle permettent de se faire une juste idée de tout ce luxe et ce raffinement (A.M. Saint-Amand-Montrond, AA 11, pièces n° 4 à 8). A la fin de 1610, malade et en semi disgrâce après la mort d'Henri IV, Sully se retire plusieurs mois à Montrond, où il rédige d'ailleurs une partie de ses Mémoires. Contraint d'abandonner ses places du Berry méridional, il cède Montrond en 1621 au prince Henri de Condé, duc de Bourbon et père du Grand Condé, dont Bossuet fera plus tard l'oraison funèbre. L'enfant, héritier présomptif du trône de France pendant dix-sept ans et porteur, de ce fait, du titre de Premier Prince du Sang, passe sa jeunesse au château. On le voit faire, vers la septième année, ses classes de futur et illustre chef de guerre en commandant (en latin) les enfants du voisinage dans les fossés de Montrond. |
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Montrond est alors à son apogée. Condé y fait notamment ajouter une chapelle, peinte et sculptée, mais confie surtout à Jean Sarrazin, « mathématicien de Monseigneur et son intendant des fortifications », des travaux visant à faire de la colline une place imprenable (1636-1646). |
A la veille de la Fronde, le château de Montrond écrase le paysage de sa masse (il est doté d'un triple système de fortifications bastionnées), de sa hauteur (le puissant donjon domine toujours fièrement la ville), de son emprise (une soixantaine d'hectares) et de son luxe (jardins, pièces d'eau, statues...). Néanmoins, le château de Montrond va très vite se trouver confontré aux assauts des troupes royales. En 1651, la Fronde des Princes conduit en effet le jeune Louis XIV à le faire investir. Sous les ordres du maréchal de Palluau, 4.000 soldats investissent la ville en octobre, logeant chez l'habitant, pillant les faubourgs et incendiant pour les besoins de la guerre. Les mois passent et devant son incapacité à réduire la forteresse, Palluau se fait brocarder dans des mazarinades qui circulent à Paris. En juillet 1652, le siège se durcit et les assiégés commencent à souffrir de la faim. |
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Défendu par le marquis de Persan, Montrond ne se rend cependant qu'après onze mois de siège, menacé par la famine. Le 1er septembre 1652, les vingt survivants sortent de la forteresse « tambour battant, enseigne déployée et mèche allumée ». Furieux d'avoir vu son autorité remise en cause, Louis XIV ordonne le démantèlement immédiat de la forteresse mais force est de constater que, faute de poudre, celui-ci reste symbolique et partiel. |
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Jusqu'en 1653, on s'emploie à faire sauter quelques bastions et il est probable que le donjon, symbole toujours menaçant d'une possible rébellion, ait également subi quelques dommages. |
Mais la résidence est toujours habitable et le reste jusqu'en 1736, date à laquelle Mademoiselle de Charollais, nouvelle propriétaire, trouvant sans doute l'entretien trop coûteux, ordonne de détruire le château. |
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Témoin de cet épisode tragique durant son enfance, Jean Hérault, futur curé de Saint-Bonnet-le-Désert, en dresse d'ailleurs quelques années plus tard une émouvante description : « On commença à démenteler les tours, on descendit de dessus toutes les couvertures le plomb et l'ardoise, on abattit toute la charpente, qui fut conduite dans la chaume Billeron, et ce bois, encore revêtu de riches peintures, resta plusieurs années sur la terre. |
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On enleva aussi les meubles du dedans qui furent transportés dans la maison ville de Saint-Amand ; puis ses portes furent ouvertes à tout le monde, toute la canaille ayant la libre entrée dans ce lieu, il n'y eut pas d'indignités qu'elle ne fît ; c'était à qui ferait le plus de mal. Toutes les belles figures et statues de Montrond, entièrement mutilées et tailladées, et en l'espace d'environ un an et demi, tout fut foulé au pied, cassé, brisé, saccagé, démoli, renversé et totalement détruit ». |
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Les ruines vont dès lors servir de carrière de pierre pour une ville en pleine croissance et avide de matériaux. A la fin du XVIIIème siècle, Montrond passe au duc de Béthune-Charost puis au comte de Fougières. Il est saisi à la Révolution et vendu comme bien national le 7 vendémiaire an III. Les dernières ruines sont abattues en 1827, et la forteresse voit ses vestiges disparaître sous les remblais d'un jardin public. Notons enfin que depuis 1969, des chantiers de fouilles, de restauration et de mise en valeur se succèdent, animés par une association soutenue par la municipalité de Saint-Amand, le Cercle d'Histoire et d'Archéologie du Saint-Amandois (CHASA). |
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& Pour en savoir plus...
Ÿ BUHOT DE KERSERS (A.), Le canton de Saint-Amand - Histoire et statistique monumentale du département du Cher, éditions du Bastion, Paris, 1892, pp. 123-129 et 142-146.
Ÿ HUGONIOT (Jean-Yves), Saint-Amand-Montrond, mémoires d'une ville, éditions du Cercle Généalogique du Haut-Berry, Bourges, 1998, pp. 211-226.
Ÿ HUGONIOT (Jean-Yves), « Guerre et démographie : le siège du château de Montrond (1650-1652) », in Une ville et son terroir, Saint-Amand-Montrond, 1985, pp. 69-77.
Ÿ LALLIER (Dominique), La fortification bastionnée de Montrond au XVIIe siècle, Saint-Amand-Montrond, 1987.
Ÿ MALLARD (Victor), Histoire des deux villes de Saint-Amand, Bourges, 1894, pp. 167-177 et 198-206.
Ÿ PIERRE (J.), Histoire du château de Montrond et du pont du Cher (d'après le manuscrit de l'abbé Jean Hérault, curé de Saint-Bonnet-le-Désert de 1761 à 1809), Auxenfans, Bourges, 1905.
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